« L’homme
est un animal politique. » Il peut, dictateur en puissance, gouverner par
la crainte comme un lion, par la ruse comme un renard, un peuple qui n’est
qu’un troupeau de moutons. Mais rétif à
toute justice, il est comparé à un loup.
Nous prêtons en
effet aux animaux des caractères empruntés aux nôtres et défigurons leur image par
le mépris ou la crainte que nous y attachons. Ainsi vivons-nous, le plus
souvent, la politique comme un enfant entend l’histoire de Mowglie, dans la
double ignorance de ce que sont réellement l’homme et l’animal.
Et c’est
parce que les hommes sont pétris d’illusions que sur les carlingues de leur
avion de chasse ou autres armes, ils peignent des figures animalières droit
sortis d’un imagier aux couleurs sans nuances. Parti en mission, le pilote
espère toujours revenir dans la gloire de sa vie conservée au prix de celles
arrachées. Aigles ou requins, tâches ou rayures de fauves, ces enjolivements
sont la rencontre de joujoux en plastique à deux balles avec la haute
technicité qui vaut le prix de la guerre et si possible de la victoire. Faire
illusion quant à sa force, n’est-ce pas déjà gagner en force ?
Ces représentations,
au symbolisme ancestral, disent une vieille convoitise totalitaire : être doté de
l’ensemble des capacités distribuées entre toutes les espèces par la nature. L’homo
faber cherche à ajouter, à ses propres caractéristiques biologiques, celles
réservées à d’autres. L’homme ne « s’augmente » qu’en essayant de
copier, par des procédés techniques, des facultés animales d’une complexité aux
antipodes des images simplificatrices auxquelles il les réduit.
Les avions
ont des ailes et des becs, certains longs comme un museau d’espadon. Le
radar, les appareils de vision nocturne... La technique n’est que l’imitation,
extrêmement sophistiquée car intellectualisée, au fil des millénaires, à
travers l’exploitation de la science, d’aptitudes innées chez les animaux.
L’homme tient sa puissance de la possibilité technique de les concentrer
toutes.
Mais si l’homme était réellement un « animal politique », aurait-il besoin de tous ces engins et de son bestiaire fantastique ? Ils sont l’ultime recours lorsque la politique ne suffit plus pour satisfaire son désir de domination ou au contraire résister à celui des autres. Alors les images animalières, qui conduisent à de mauvaises politiques car l’homme n’est justement pas un animal, ont un bel avenir dans le champ politique et sur les terrains de guerre.
Le Garn, 29 juillet-7 août 2025.