L'auteur

Titulaire d'un Doctorat en philosophie et d'une maîtrise en histoire, l'auteur est restée fidèle à ses deux «initiateurs» en philosophie, Nietzsche et Kierkegaard, mais admire tout autant Spinoza, Russell, Arendt...
Marie-Pierre Fiorentino

jeudi 7 août 2025

Des images animalières.


 Photo prise au Musée européen de l'aviation de chasse, Montélimar, Drôme, France.


« L’homme est un animal politique. » Il peut, dictateur en puissance, gouverner par la crainte comme un lion, par la ruse comme un renard, un peuple qui n’est qu’un troupeau de moutons.  Mais rétif à toute justice, il est comparé à un loup.

Nous prêtons en effet aux animaux des caractères empruntés aux nôtres et défigurons leur image par le mépris ou la crainte que nous y attachons. Ainsi vivons-nous, le plus souvent, la politique comme un enfant entend l’histoire de Mowglie, dans la double ignorance de ce que sont réellement l’homme et l’animal.  

 

Et c’est parce que les hommes sont pétris d’illusions que sur les carlingues de leur avion de chasse ou autres armes, ils peignent des figures animalières droit sortis d’un imagier aux couleurs sans nuances. Parti en mission, le pilote espère toujours revenir dans la gloire de sa vie conservée au prix de celles arrachées. Aigles ou requins, tâches ou rayures de fauves, ces enjolivements sont la rencontre de joujoux en plastique à deux balles avec la haute technicité qui vaut le prix de la guerre et si possible de la victoire. Faire illusion quant à sa force, n’est-ce pas déjà gagner en force ?

Ces représentations, au symbolisme ancestral, disent une vieille convoitise totalitaire : être doté de l’ensemble des capacités distribuées entre toutes les espèces par la nature. L’homo faber cherche à ajouter, à ses propres caractéristiques biologiques, celles réservées à d’autres. L’homme ne « s’augmente » qu’en essayant de copier, par des procédés techniques, des facultés animales d’une complexité aux antipodes des images simplificatrices auxquelles il les réduit.

Les avions ont des ailes et des becs, certains longs comme un museau d’espadon. Le radar, les appareils de vision nocturne... La technique n’est que l’imitation, extrêmement sophistiquée car intellectualisée, au fil des millénaires, à travers l’exploitation de la science, d’aptitudes innées chez les animaux. L’homme tient sa puissance de la possibilité technique de les concentrer toutes.

 

Mais si l’homme était réellement un « animal politique », aurait-il besoin de tous ces engins et de son bestiaire fantastique ? Ils sont l’ultime recours lorsque la politique ne suffit plus pour satisfaire son désir de domination ou au contraire résister à celui des autres. Alors les images animalières, qui conduisent à de mauvaises politiques car l’homme n’est justement pas un animal, ont un bel avenir dans le champ politique et sur les terrains de guerre.


Le Garn, 29 juillet-7 août 2025.