L'auteur

Titulaire d'un Doctorat en philosophie et d'une maîtrise en histoire, l'auteur est restée fidèle à ses deux «initiateurs» en philosophie, Nietzsche et Kierkegaard, mais admire tout autant Spinoza, Russell, Arendt...
Marie-Pierre Fiorentino

samedi 29 août 2020

Quantique de l’amour, cantique de la mort.

  

À mon Étoile filante

                                            1

 

Qui saura jamais si c’est dans les mots passionnés ou dans les silences désespérés que l’on dit le mieux « je t’aime » ? Se loge là un interstice que le corps occupe. L’érotisme de Duras ou de Bataille. Mais que celui-ci est triste, qui renvoie à la solitude essentielle de l’homme – et je n’écris pas « existentielle » qui supposerait sa contingence.

Ou alors, en musique, le soupir, comme sur la partition d’une histoire où deux cœurs recherchent l’harmonie.


2 

La mort n’est tolérable qu’envisagée à notre échelle, en années, en siècles, en millénaires. Elle devient au-delà vertige et nausée. L’angoisse à l’idée d’un engloutissement de l’univers dans le néant cosmique est aussi insoutenable que sont rassurantes certaines sépultures, à l’image de forteresses réputées imprenables. Ces sépultures qui entretiennent la mémoire laisseraient croire que le passé est quelque part, se visitant en même temps que les mausolées.

L’incinération est peut-être déjà, au contraire, cette acceptation de la dissolution de son être dans la matière sans laisser de traces. Sagesse ? Ou un sursaut de fierté refusant au temps le temps de faire son œuvre de nos dépouilles ? Pour l’astrophysique qui explore et raconte et prédit l’univers, la mort est un événement tellement ridicule qu’il n’existe pas. Est-on seulement sûr que le temps existe ?


3 

J’ai ramené de la crypte de Saint Victor la curiosité du regard tendu vers les voûtes obscurcies par leur hauteur et la prudence de pas mal assurés sur les rochers affleurant, creusés pour les tombeaux. Ce prénom aussi, Eusebia, que le voyage à travers quatorze siècles a rendu exotique. Que le mot de martyre sur trop de notices sonne mal dans ce silence minéral ! Quel cantique, Eusebia, faisait jouir ton âme de vierge ?

Dehors, en contrebas de l’abbaye, une carte-postale quantique.

Le Vieux-Port dont les forts créent l’illusion qu’il est coupé de la mer et ces routes qui mènent forcément quelque part, même au bout du tunnel, et ces étages de mosaïques fourmillantes comme autant de mondes à l’existence simultanée et dont le nombre augmente avec le nombre des événements possibles.

 

Dans l’interstice que le corps n’occupe pas, un attrait hypnotique pour le néant croise la foi en d’autres possibles, vision quantique de deux mondes intérieurs si proches, si lointains.

 

 

Marseille-Le Garn, août 2020