( suite à Je n’ai pas pris de photos, 10 août 2011
)
Une touche optimiste pour le pessimisme.
« L’amitié, c’est égoïste. L’amour,
c’est égoïste. Tu fais rien, tu donnes rien. »
Un jeune homme torse nu, maigre et très
blanc, assis sur le banc d’une allée ombragée en surplomb du lac, à un autre
jeune homme torse nu, maigre et très blanc.
Y a-t-il encore
des expositions qui soient réellement d’art ?
L’artiste accompli, l’artiste adoubé,
l’artiste sacralisé – bref, l’artiste mort qui n’est plus là pour protester –
serait-il condamné à la glose ?
Quelques belles œuvres, beaucoup de panneaux
de commentaires. Des mots, trop de mots. L’analyse rationnelle empiète, jusqu’à
la dévoyer, sur la perception sensible.
Et peut-on rêver
librement devant un parterre fleuri ?
C’est une plate-bande en quatre massifs
bas et dissymétriques de quelques mètres carrés à peine. Les corolles immaculées
d’impatiens de Nouvelle Guinée et de zinnias blancs éclairent des nuances de
vert, du plus tendre aux feuilles coriaces brunissant ; quelques graminées
flottent de-ci de-là.
Mes yeux s’en repaissent. Alors mes pas me
ramènent vers cette association végétale idéale, vierge de bariolage.
Sérénité...
Jusqu’à la découverte d’un panonceau inopportun
imposant à ce décor vivant une signification en lien avec l’exposition estivale
donnée en ville.
Sérénité gâchée par le pire des sens,
celui de circonstance.
Une mésaventure à devenir rousseauiste.
Car si tout amour pour un paysage, fruit de l’art ou de la nature, est porteur
de sens, du moins celui donné à la nature ne dépend-il que de l’observateur.
Alors pourquoi
aurais-je pris des photos ?
Entre ces deux extrêmes que sont la photographie
utilitaire ( un terrassier, par exemple, pour l’aménagement d’un terrain ) et
la photographie d’art, qu’est-ce qu’une photographie ?
L’image de nos vacances à montrer à ceux
qui n’étaient pas avec nous ? Mais ils s’en moquent – quoique
poliment ; ce ne sont pas leurs vacances.
« Mais je regarderai mes
photos ! » Vraiment ? Ou si tard. Certains gestes
photographiques sont la fabrique de notre nostalgie à venir.
Les photographies, de plus en plus
virtuelles et donc de plus en plus frénétiquement nombreuses, sont la trace de
notre incapacité à vivre le présent sans le filtre de l’illusion qu’il ne
deviendra pas, quoi que nous fassions, passé.
Evian, 2-9 août 2018.