Hasard au génie ?
À peine venu
La tâche est finie. »
Paul
Valéry, Le Sylphe
dans
Charmes.
Je fais confiance au poète ironique,
à l’artisan lucide mais bien peu à l’inspiration censée être « influence divine ou surnaturelle par
laquelle l’homme aurait la révélation de ce qu’il doit dire ou faire.» Le
dictionnaire définit les mots existant, pas la réalité.
«
Idée soudaine » propose-t-il aussi. Impérieuses
lorsque je ne suis pas outillée pour les noter, des bribes d’expression au
destin volage m’abandonnent vite. Quand je cède à leur tentation, ces
évocations mal nommées s’aventurent rarement à portée de phrases pressées de
figer l’ombre d’une ébauche. L’idée ne se déploie que dans les miroirs de la
réflexion. Quant à l’« enthousiasme
créateur de l’artiste » quelle mesquinerie ! Même les théories, prose
mathématisée des savants, sont étymologiquement des visions des dieux comme
l’enthousiasme est le transport divin.
Mais ces déesses, les Muses, sont-elles
rien d’autre que le mot forgé pour ce dont, par impuissance ou par sagesse,
nous conservons le mystère ?
J’ai déclaré à la mienne, à mon ami
de cœur - ce n’est pas une faute d’accord mais la faute de la langue sexuée –
qu’elle m’inspirait. « Inspiration : action de faire pénétrer l’air dans ses
poumons. » Légère quand elle est spontanée, étourdissante provoquée par la
cadence de sa voix jusqu’à la chamade. Puis j’expire pour retrouver mon propre
souffle.
Inspiration.
Sublimation chimique et psychanalytique. Transfiguration mais surtout pas autofiction
stérile.
Naît-on muse ou le devient-on sous
l’éclat d’un regard amoureux ? Je taquine ma muse.
Le Garn, mars 2015