L'auteur

Titulaire d'un Doctorat en philosophie et d'une maîtrise en histoire, l'auteur est restée fidèle à ses deux «initiateurs» en philosophie, Nietzsche et Kierkegaard, mais admire tout autant Spinoza, Russell, Arendt...
Marie-Pierre Fiorentino

dimanche 3 juillet 2011

L’arme invisible de la guerre des sexes

Si l’on envisage notre culture sous l’angle de la « guerre des sexes », c’est-à-dire du refus d’un genre – refus factuel et non pas avoué – de partager les droits, les devoirs et les pouvoirs, la plus belle victoire du genre dominant, le masculin, est d’avoir conduit les femmes à s’éliminer entre elles dans l’accès au pouvoir de sorte que leurs droits restent, dans les faits, inappliqués. Le chien de berger, descendant des loups qui s’ignore, n’a-t-il pas été domestiqué pour combattre la horde à laquelle appartenaient ses ancêtres ?
Au cours de l’histoire, l’homme a pratiqué la même sorte de dressage sur sa moitié mais le tour de force consiste ici à empêcher tout sentiment de culpabilité de se développer en laissant croire aux femmes que certaines sont plus mâles, d’autres plus femelles. Car la valeur sociale accordée aux caractéristiques viriles est telle que c’est sans en avoir conscience que celles qui les ont acquises éliminent, comme naturellement, leurs congénères purement féminines. La forme la plus violente de cette guerre « soeuricide » est celle des gangs de filles où des adolescentes adoptent des comportements jusque là typiquement masculins pour attaquer, racketter, tabaser la plupart du temps d’autres filles. Peu instruites et elles-mêmes victimes de la violence ambiante, elles n’ont aucune conscience de conforter le pouvoir des hommes en le singeant sous une de ses formes les plus abjecte.
Seules celles qualifiées de « garces » possèdent peut-être cette conscience. Quel nouveau tour de force masculin alors que d’associer la lucidité à la trahison. La femme qui a réussi reste encore marquée d’une faute ternissant ses qualités : elle a trahi son genre non pour le sauver mais pour s’en sauver. La garce : mot injurieux. Le garçon : mot neutre. La « garce » est cet être dénaturé né fille mais vivant en garçon. Le personnage incarné par Sigourney Weaver dans le film de Mike Nichols Working girl ( 1988 ) est une parfaite illustration de cette duplicité.
Il y a donc encore guerre des sexes dans la société contemporaine car la femme est condamnée par les mentalités et les jeux de pouvoir à être soit le bourreau de ses congénères ( elle échappera à sa condition en se conduisant envers ces dernières comme un homme ) soit le bourreau d’elle-même ( elle refusera la trahison au prix de ses ambitions. )