L'auteur

Titulaire d'un Doctorat en philosophie et d'une maîtrise en histoire, l'auteur est restée fidèle à ses deux «initiateurs» en philosophie, Nietzsche et Kierkegaard, mais admire tout autant Spinoza, Russell, Arendt...
Marie-Pierre Fiorentino

dimanche 31 juillet 2022

Photos de Bruxelles.

                                                                                  À ma Princesse

grâce à laquelle j’ai fait ce voyage .

 

La fourgonnette jaune de Pascalino, Place Royale, ressemble à un jouet. La gaufre que j’y ai prise a un goût de caramel chaud comme les teintes d’une lumineuse toile contemporaine admirée la veille au Sablon, décor futuriste pour les jeux de deux chats laissés libres dans la vitrine. Jaune encore le félin dessiné par M. Le Chat sur la façade d’un tout petit immeuble en bas du palais de Justice.  Je suis contente d’apprendre que je pourrai retrouver, à Marseille, cette frimousse joviale dont le créateur n’est pas avare.

Je scrute les fenêtres du musée Magritte au travers desquelles apparaît le ciel bleu aux nuages blancs parsemé d’objets ou de mots fétiches du peintre. S’il faut être dehors pour regarder le ciel dedans, que de possibles s’ouvrent ! Est-ce pour les laisser courir dans ma tête que je n’entre pas ou simplement parce que voyager, c’est renoncer à une grande part de ce que l’on avait projeté pour se laisser happer par d’autres découvertes ?

Alors je marche le nez en l’air pour m’étonner, dans le quartier européen, de la danseuse métallique sur la rambarde d’un pont ou, de retour au Sablon, de la silhouette filiforme – un Giacometti ? – au balcon d’une galerie d’art. Dans le tram, indiscrète, je n’ai de cesse de connaître le titre du livre lu par des passagers. Un Yourcenar mais lequel ? Et qui est Patrick Jean ? Après mon exploration de la librairie Tropisme, je devrais pourtant être sevrée de titres et de noms d’auteurs.  Je ne le suis jamais, pas plus que des existences qui se laissent deviner, la nuit tombée, aux larges baies vitrées ou aux rideaux mal tirés des vieux appartements. 

À la descente d’une rue baignée de soleil – aurais-je autant aimé Bruxelles grise et mouillée ? – un ours en peluche ancien m’attire. Ruban vert en cravate, il est aussi élégant que le bourgeois qu’il semble, assis sur le fauteuil au pied duquel la gravure du XVIIIème siècle repose, désigner aux passants. Les pavés de la toile hyperréaliste posée à leur côté débordent dans la rue où je m’aperçois soudain, reflétée par le miroir bombé au-dessus de l’ours. Les miroirs ne sont pas des points de fuite comme un fleuve, qui manque à la ville. 

Le train file entre des prés clairsemés d’arbres filiformes, en rangées ou en bouquets ; des moutons sont alanguis sur ce tapis vert inconnu dans le Midi. Sous l’herbe, j’imagine des fragments d’os et d’obus devenus prisonniers des racines. Les montagnes de chez nous, qui dérobent aux regards, protègent-elles mieux que ces plaines offertes ? En vacances, je néglige les informations mais je sais que la guerre continue. Au musée de la Bande Dessinée, le village des schtroumpfs attend Gargamel de pied ferme.

  

Bruxelles 25-29 avril 2022, Le Garn juillet 2022.