La curiosité pour le cinéma de mes rêves
m’endort. Leur film tiendra-t-il ses promesses ?
Des personnages, connus, inconnus, entrevus,
peuplent des décors chimériques. Traversées furtives, récurrences, situations
mouvantes comme des sables où je mourrais si mon propre cri ne me réveillait
pas.
Derrière un cadre familier, d’autres
espaces se dévoilent. Je suis ébahie qu’ils aient été si proches à mon insu. Des
portes s’ouvrent, s’ouvrent comme dans une scène tournée par Hitchcock vers des
possibles qui me font revivre après mon apnée aux barreaux du réel.
« Mais ce ne sont que des
images ! »
Des images seulement, ces tableaux à la
prégnance diurne ? Je flotte, dans leur sillage, enveloppée de bien-être ou dois
au contraire lutter contre le malaise persistant de n’avoir pu échapper à un drame.
L’image à laquelle l’imaginaire donne sens acquiert du pouvoir.
Intermède
Le
10 novembre 1619, après une journée consacrée à lutter contre ses propres
préjugés, l’esprit de Descartes connaît une exaltation croissante. Il s’endort
encore empli de toutes ses réflexions et va faire trois songes successifs (« songes » est le mot qu’il emploie). Après l’épouvante que lui
inspire les deux premiers, interprétés
durant l’insomnie qui suit, il s’enivre de la douceur du dernier.
Se
souvenant toujours de cette nuit « enthousiaste », le philosophe la
place au fondement de sa détermination à consacrer sa vie exclusivement à la
science.
Mais voilà que je songe aussi éveillée. Je
laisse dériver ma pensée dans un élan où le consentement à l’évasion libère mon
imaginaire et n’a rien à envier à mes nuits.
Cette fiction que j’ai conçue le jour
presque comme un projet et que mon sommeil mettra peut-être en scène comme une
folie est l’occasion d’un paradoxe : si la vie n’est qu’un songe, c’est
parce que les rêves finissent par tisser la réalité.
Le Garn, mars 2017.