Fable
À ma Muse
Le
mage : Prononce un vœu, je l’exaucerai.
- Fais-moi
vivre la plus troublante histoire d’amour. Dans nos rares étreintes, la
pression de ses bras autour de ma taille et de mes épaules nous unirait mieux,
cœur à cœur, qu’une pénétration.
Le
mage : Même pas un baiser ?
- Nos langues jouiraient de l’essentiel, nos pensées. Ou alors ses
doigts entrelacés aux miens.
Le
mage : Et tu as lu ces mièvreries dans Platon ?
- C’est
toi qui parle d’amour platonique. Non, je lirais mon désir dans son regard impitoyablement
plongé dans le mien éperdu. Je te demande juste : ne change rien à ma vie
actuelle mais transcende-la par le secret de cette liaison.
Le mage : Si je t’exauçais, tu serais bientôt désespérée de ton
choix insensé.
- Les amants lassés le sont de ne l’avoir pas fait.
Le mage : Ah, ah ! Ton idéalisme n’est donc que le masque de
ton pessimisme.
- Crois-tu qu’une pessimiste pourrait goûter le plaisir d’une
intonation inattendue, d’un effleurement involontaire ? D’ailleurs, une
pessimiste t’ignorerait comme une misérable illusion.
Le mage : En tout cas moins démesurée que ton souhait. Et que lui
offrirais-tu en échange ?
-
La certitude que le savoir exister m’anime et le regarder être me guide. L’empreinte
dans mon quotidien, durant ses longues absences, du vide béant qui me comblerait
pourtant comme un écho de sa personne. Je lui offrirais la contemplation de l’inconnu
qu’il était encore pour lui dans le miroir du nous. Je n’aurais besoin qu’il me
sauve de rien mais plutôt qu’il me perde pour que je me trouve...
Le
mage : Assez, j’ai compris. Tu ne poursuis que l’évanescence pour t’enivrer
de mots.
- Tu
es probablement de ceux pour qui l’expression flatum vocis, souffle de voix, est péjorative. Mais comme le
souffle de vie – anima, écoute ces notes
– le verbe naît du réel pour en créer à son tour.
Le mage : Ton imagination passe mes pouvoirs. Pour le rêve, tu n’as
pas attendu de me rencontrer. Pour sa réalisation, vois directement avec lui.
Le Garn, mai 2015.