A mon ami qui réfléchissait un jour
à la fin de l’humanité et me livrait cette définition de Dieu
qu’il avait entendue :
“ celui qui supporte le fardeau de l'éternité ”.
Je n’ai pas de réponse.
Peut-être un jour a-t-on perdu l’envie de connaître la suite de
l’histoire, sa propre histoire, l’histoire des autres, l’histoire du monde.
Peut-être veut-on être débarqué du film parce qu’on sent qu’on n’a plus de rôle
à y jouer, comme si la vie nous en avait déjà débarqués sans nous ôter encore le
souffle. Comme si la vie nous ménageait une sortie en deux actes : nous priver
de l’envie d’elle pour que nous lui rendions l’âme sans qu’elle ait besoin de
nous la prendre. Peut-être est-ce cela mourir de vieillesse et peut-être est-ce
mieux ainsi.
Peut-être cela vaut-il pour les individus et pour l’espèce.
Peut-être un jour l’Homme perdra-t-il l’envie…
Et moi ?
Comment
mourrai-je ?
“ Morir es una costumbre que sabe tener la gente. ”
Dans mon lit ? Maladie
Ou oubli du réveil ?
Inconsciente peut-être
Pour moi seule secrète.
Dans la lucidité,
La terreur ou les regrets ?
Les yeux écarquillés ?
Sur quoi mes doigts serrés ?
Etre parfois le seul
A ne pas savoir.
Quelle ironie !
Donner sa vie pour le savoir ?
Suicidaire fantaisie…
La mort ignore le retard.
Peut-être est-ce mieux ainsi. Car mourir quand on veut encore
savoir, plus encore avidement quand il n’y a plus d’espoir que le temps puisse
accorder…
Ou alors éprouver le désir jusqu’au bout, pour ne pas perdre la
dernière miette de ces scènes que l’on joue et qui continueront. La fin de l’Histoire
? Y en aura-t-il une ? Si oui, je préfère ne pas y être. Sinon, quel ennui que
l’éternité.
Le Garn, décembre 2014.